écologie et numérique
publié par

Frédéric Pineau
Directeur Technique

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L’écologie au cœur des interrogations du numérique

En découvrant avec désarrois les conclusions en terme d’écologie, de Florence Rohdain, nous nous posons des questions sur comment rendre notre activité plus propre en tant qu’entreprise du numérique. Mais si Florence Rohdain, docteure en systèmes d’information et Maître de conférences HDR à l’École polytechnique universitaire de Montpellier, nous met face à nos responsabilités, nous ne sommes pas sans solution face à ces problématiques environnementales.

Le numérique n’est pas écologique !

C’est avec ce titre sans ambiguïté, qu’il nous faut tuer ce mythe répandu : le secteur du numérique n’est pas, par essence, plus écologique que les autres ! Si l’on en croit les écrits de Florence Rohdain, dans son livre « La Nouvelle Religion du Numérique, le numérique est-il écologique ?« , le numérique encourage un certain nombre de croyances qu’il serait bon de remettre en cause quand on regarde les faits.

Le numérique serait moins énergivore : faux !

Selon l’Ademe en 2008 , la consommation électrique des ménages concernant l’informatique et l’audiovisuel représentait 30% de l’électricité. Depuis lors, malgré une optimisation des veilles sur les appareils, les foyers sont plus équipés et  possèdent désormais en 2017, 5,5 écrans en moyenne.
De même, certains hangars de serveurs nécessaires au Cloud fonctionnant 24/24h consomment autant d’électricité que 250 000 foyers européens, soit la taille d’une ville comme Nantes.

Le matériel numérique est grandement recyclé : faux !

Le taux de recyclage des déchets issus du matériel informatique est de 20%. Les 80% restant sont envoyés dans des pays en développement où ils sont incinérés ou recouverts. Ainsi les eaux de pluie permettent aux produits de traverser les sols, puis de se répandre dans les nappes phréatiques et au final de contaminer les cultures qui en dépendent.

Le numérique permet de se passer du papier : faux !

La numérisation n’as pas encore supplanter le papier ! Cela est même peut-être pire. Avec Internet nous avons accès à un nombre démesuré de ressources imprimables gratuites. De plus les coûts d’impression n’ont cesser de baisser de part les innovations en terme d’imprimante. Ces 2 éléments réunis, nous n’hésitons plus à imprimer et même à gaspiller : selon une enquête IPSOS en France, nous n’utiliserions réellement qu’une page imprimée sur six : soit 1,2 million d’arbres par an. Pas terrible en terme d’écologie !

Et n’oublions pas que là encore, le livre papier est plus écologique que la liseuse numérique a qui il faudrait 30 ans au rythme moyen de 4,5 livre par an pour amortir son impact environnemental.

Le numérique induit moins de déplacement donc moins de pollution : faux !

Florence Rodhain précise  « toutes les données agrégées disponibles montrent que les déplacements augmentent au même rythme que les télécommunications ». Les nouvelles technologies de communication seraient complémentaires. Leurs usages étant plus efficaces et plus variés (de par leur maillage) favoriseraient les sollicitations et les opportunités de déplacement… Sans compter que ces déplacements se trouvent eux aussi facilités par ces nouveaux moyens de communication.
Ainsi, depuis 2007, le numérique produit plus de CO2 que l’aviation civile.

Et il en va de même avec le télétravail : favorisant l’éloignement entre le domicile et le lieu de travail, le télétravail accroîtrait la consommation d’essence. Car faute de moyen de transport collectif, pour aller au bureau le salarié se déplace en voiture…

En regardant ces 4 points en face, on se demande comment nous avons laissé cette novlangue numérique incruster dans notre cerveau l’immatérialité de l’activité numérique. Ce qu’on appelle la dématérialisation a pourtant bel et bien un impact matériel réel. Et donc en tant que concepteur de site web sensible à l’écologie, nous posons donc la question de comment limiter ces impacts négatifs dans le cadre de notre société.

Consommer moins d’énergie électrique

L’ensemble du code que nous produisons aura soit de par sa taille ou son exécution un impact sur la consommation électrique des appareils sur lesquels il s’exécute.

Eco-conception Web

Commençons par ce que nous produisons à savoir des sites internet. Le credo d’artwaï est la web performance. Nous travaillons en premier lieu toujours sur le poids des fichiers et sur la façon dont ils sont chargés en évitant les chargements inutiles. Ainsi la web performance La Webperf désigne l'optimisation des performances d'un site web pour accélérer son chargement et améliorer l'expérience utilisateur, grâce à des techniques comme le caching, la compression, et la réduction des fichiers. va au delà d’avoir des pages rapides à charger. Cette façon de voir les choses permet aussi d’avoir un site eco-conçu. Dès 2018 nous le formulions ainsi :

Web performance = Eco-conception Web

De plus, avec la certification qualité web d’ Opquast Opquast est un ensemble de bonnes pratiques et de certifications pour améliorer la qualité et l'accessibilité des sites web, couvrant des aspects comme l'ergonomie, la performance, la sécurité et le référencement. nous pratiquons aussi un ensemble de bonnes pratiques efficaces du point de vue Eco-conception Web. Et comme à notre habitude, nous pratiquons les validateurs en ligne de cette sobriété numérique notamment en calculant l’empreinte carbone de site web. Parmi eux, citons websitecarbon.com auquel nous obtenons concernant artwai.com :

  • une production de 0.12g de CO2 par page visitée,
  • soit ramenée à notre trafic mensuel environ 3000 pages vues, cela correspond 4,41kg de CO2 par an soit la quantité de carbone qu’un arbre absorbe en une année.

Notez bien que consommer moins d’énergie c’est aussi faire des économies et quand on a beaucoup de trafic la sobriété des pages web devient essentielle. Par exemple, pour sa page d’accueil française, le géant et économe (pour ne pas dire radin) Amazon l’a bien compris avec par vue de cette page, une production de 0,04g de CO2 !

Ainsi, avec ces méthodes de travail, artwaï vous propose des solutions les plus légères quitte à être « Low-Tech » et ainsi avoir un moindre impact sur la consommation électrique de votre site web.

Hébergement et écologie

Tout ce code produit, va être au final hébergé sur un serveur. Tant qu’a faire tester votre site avec The Green Web Foundation, pour savoir si votre hébergeur fait preuve d’écologie. En effet depuis 2006, cette fondation du Pays-Bas met à jour la plus grande base de données au monde pour suivre quelles parties d’Internet fonctionnent à l’énergie renouvelable. Dès lors, vous pouvez vérifier l’état de votre hébergeur avec l’ API Une API (Application Programming Interface) est un ensemble de règles permettant à différents logiciels de communiquer entre eux. Elle simplifie l'intégration et l'échange de données entre systèmes. de Green Web.

Pour artwai.com et les sites que nous hébergeons c’est tout bon :

This website is hosted Green - checked by thegreenwebfoundation.org

Sobriété du contenu

Une fois, votre site en place il vous reste à définir votre stratégie de contenu. Et dans ce domaine on voit bien que le web dans son ensemble à des progrès à faire.

L’infobésité

De part la baisse des coûts de production, l’offre de contenus est largement supérieure à la demande. Entre les blogueurs, les marques, et les entreprises, nous faisons face à une abondance de contenus dont l’originalité et la qualité sont critiquables. Surtout quand une étude de l’INA de 2017 révèle que 64% des contenus produits sont issus d’un copier-coller pur et simple. Evidemment tout cela pour une course à l’audience et aux revenus publicitaires où l’émotionnel est prioritaire à l’exactitude des faits, et la fréquence de publication est prioritaire à l’approfondissement d’un sujet. C’est ce qu’on appelle l’ère de l’lnfobésité !

Et tout ces contenus ont un poids, une consommation énergétique et donc un impact en termes d’écologie…

Sobriété éditoriale

Depuis peu, Google et Facebook ayant capté 80% de la manne publicitaire, certains sites sont partis sur un modèle payant. Reste aux producteurs de contenu à repenser leur méthode de production. Heureusement, ils sont quelques-uns, comme Eve Demange, Ferréole Lespinasse, ou l’agence Dixxit à promouvoir la sobriété éditoriale voir même de Slow Content que l’on peut définir ainsi :

  1. Une communication authentique qui défini l’identité de ce lui qui l’écrit.
  2. Des contenus utiles et structurés qui répondent aux questions et/ou aux besoins des internautes.
  3. Un écosystème de publication raisonné : pourquoi être présent sur 36 réseaux sociaux par exemple ?
  4. Des contenus durables, de qualité et réactualisés régulièrement.

Trop de vidéos

Mais la réflexion ne s’arrête pas là.  Prenons ces 3 données fournies par le Schift project :

  • 55% de sa consommation mondiale d’énergie annuelle du numérique est dû au trafic de données,
  • 80% des flux de données mondiaux sont des vidéos,
  • et 80% de l’augmentation annuelle du volume des données seraient aussi dues aux vidéos…

Dès lors, Eve Demange pose la problématique ainsi :

Faut-il continuer à inonder le web de vidéos,
ou au contraire utiliser ce format avec parcimonie,
seulement lorsqu’il s’avère nécessaire
pour faire passer un message ?

De plus quand on sait que 55% des internautes préfèrent voir du contenu écrit dans les résultats de recherche contre 13,8% de la vidéo, le choix de la sobriété sans vidéo peut aussi satisfaire vos utilisateurs.

En tout cas, artwaï essaye toujours de publier des articles essentiellement sur notre blog. Ils définissent nos valeurs, notre façon de voir et de faire les choses, en essayant d’être didactiques et sourcés et la plupart du temps sans vidéo.

Consommer moins de papier

Depuis le début, artwaï essaye de promouvoir une démarche avec moins de papier. Ce n’est pas simple. Mais nous voyons des solutions émerger qui nous évitent l’impression d’un certain nombre de documents. Ainsi nous utilisons des solutions « dématérialisées »,… non pardon, sur des serveurs distants.

  • Pour notre documentation interne, notre panneau d’affichage, nos DUEs et nos notes de services, tout se fait en ligne soit par mail soit par solution cloud (en même temps pour une société sans locaux c’est la seule solution viable).
  • Pour tous les aspects administratifs internes, nous utilisons Lucca. Cette solution a l’énorme avantage à nos yeux de respecter l’article A 102 B-2 du Livre des Procédures Fiscales de 2017. Ainsi les justificatifs ont la même valeur légale que les originaux papier. Cela concerne :
    • les notes de frais,
    • les feuilles de présence,
    • et la distribution des bulletins de salaires.
  • Depuis peu, confinement oblige, nous généralisons l’usage de la signature numérique avec DocuSign pour tous nos contrats. En respectant le règlement eIDAS, la signature numérique a valeur légale aussi bien avec la législation française qu’européenne. Ce service nous indique même combien il permet d’économiser de ressources en terme d’écologie, avec l’ensemble de ses utilisateurs, dans l’image ci-dessous sur 1 mois.
    Bilan écologique de DocuSign

Favoriser la durée de vie et le recyclage

Petite introspection financière, l’investissement en matériel d’artwaï sur ces 3 dernières années représente environ 3500 € HT, soit en moyenne 116 € par collaborateur par an…
Si je regarde dans le détail cela correspond à l’achat d’un pc portable reconditionné, d’un smartphone reconditionné, la réparation d’un écran de smartphone, quelques accessoires et des composants pour améliorer la durée de vie de nos matériels.

Personnellement, je dispose

  • d’un PC portable, un ASUS P31JG-RO157X qui date de 2011 sur lequel j’ai fait modifier le disque en SSD et processeur d’i3 à i5,
  • d’un PC fixe (assemblé par mon assembleur préféré) qui subit une mise à jour environ tous les 4 ans (et encore je suis pas sûr…),
  • et d’un iphone SE datant de 2016, mon précédent étant un iPhone 4S qui m’a fidèlement servi pendant 5 ans (qui désormais a été confié à un membre de ma famille et il fonctionne encore).

Il s’agit donc de jongler avec 2 paramètres :

  • soit du matériel reconditionné d’une part quand il correspond au besoin,
  • soit des appareils avec une durée de vie et une adaptabilité sur du long voire du très long terme.

NB : le choix d’un iPhone peut donc se justifier au regard du suivi des mises à jours de l’OS par terminal. Environ 2 ans de mise à jour sur un Android, alors qu’il est de 4 à 5 ans sur un iPhone…

Ainsi, nous essayons de suivre les conseils de Frédéric Bordage pour limiter notre impact écologique :

Moins s’équiper
Allonger au maximum la durée de vie de nos appareils (réparation, réemploi)
Bien collecter les déchets en fin de vie

J’avoue que la partie collecte des déchets reste à la responsabilité de chaque collaborateur. A voir comment organiser cela au niveau de notre entreprise un peu particulière constituée uniquement de télétravailleurs.

Télétravail et déplacement

A ce propos, Florence Rohdain précise que le télétravail n’est intéressant en terme d’écologie que si le collaborateur n’a pas de bureau attitré dans les locaux de sa société. artwaï, 15 ans d’existence bientôt et toujours pas de local. Sur ce coup là on n’est pas mal.

Toutefois, certains de nos collaborateurs sont appelés à travailler en mission chez des clients. Nous avons donc mis en place 2 choses :

  • sur le bassin de vie du collaborateur, nous remboursons en note de frais les titres de transport en commun,
  • de même, nous appliquons une indemnité kilométrique vélo pour les collaborateurs adeptes de la petite reine.

L’écologie mais pas que…

Je reprécise bien l’objet de cet article : le secteur du numérique n’est pas, par essence, plus écologique que les autres. Mais il peut l’être ! Nous avons en main les clefs pour minimiser notre impact environnemental sur la planète. Pour un site web il s’agit d’agir :

  • en produisant un code web issu d’une éco-conception et web performant,
  • en l’hébergeant sur un serveur fonctionnant aux énergies renouvelables,
  • et en appliquant la Sobriété éditoriale à la production de ses contenus.

A l’échelle de notre société, nous prenons soin :

  • de consommer moins de papier,
  • de maximiser la durée de vie de nos équipements,
  • et de favoriser le télétravail et les déplacements les moins impactant pour la planète.

L’écologie n’est qu’une des réflexions qui agitent les métiers de l’internet ces derniers temps. Et elle s’emboîte parfaitement avec les craintes de dystopie numérique d’un point vue de ce que deviennent les technologies Web et de leurs usages. Ainsi l’appel un contrat pour le web (qu’artwaï a signé) initié par Tim Berners Lee énonce des principes éthiques à destination des gouvernements, des entreprises technologiques et des particuliers. Et dans le même temps, Jimmy Wales, fondateur de wikipedia, lance WT:social, nouveau réseau social sans aucune publicité.

Avec un siège social basé à Langouët, la commune la plus écologique de France, notre agence web basée à rennes est bien entendu sensibilisée aux problématiques environnementales et à l’écologie, surtout quand elles s’imbriquent aussi avec des interrogations éthiques. Toutefois celles-ci feront l’objet d’un nouvel article.

Source : siecledigital.frfrenchweb.fr, greenit.fr
Photo par Franck V. via Unsplash

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