Le 29 janvier dernier, nous avons assisté au Inbound Marketing France qui a eu lieu à Rennes. Notamment, la présentation de Sophie Bourg et Nicolas Lorin nous a interpellé. Ces 2 collègues, respectivement responsable marketing et directeur de clientèle pour le boncoin.fr, nous ont présenté le concept de Publicité Responsable. Une chose est sure : le travail en régie publicitaire ne va pas être simple dans les prochains mois, il va falloir sortir les casques bleus. Explications…
Le RGPD
En mai 2018, le Règlement général sur la protection des données est entré en vigueur. Objectif : protéger les données personnelles des internautes. Ainsi, les marketeurs se confrontent à un vrai casse-tête : comment proposer des publicités pertinentes sans connaitre le profil de l’internaute ? Pour beaucoup, le travail en régie publicitaire s’est orienté pour être à la limite du règlement. Dès lors aujourd’hui, le refus des cookies est tellement contraignant que l’internaute accepte encore la diffusion de ces données personnelles. Toutefois, les avertissements et les sanctions de la CNIL commencent à tomber ; et pas sur que ce laxisme perdure.
L’avènement des bloqueurs de Publicités
On notera que les internautes n’ont pas attendu la RGPD pour se défendre. Depuis quelques années déjà, les extensions de navigateurs permettent de bloquer les publicités (et la transmission de données personnelles). Parmi les plus célèbres disponibles sur Chrome et Firefox :
Mais derrière ce genre d’extensions, il y a aussi des pratiques limites puisque certaines laissent passer des pubs moyennant finance.
Une fraude massive
40% des publicités en ligne facturées ne sont jamais vues par les internautes
Ainsi Sophie et Nicolas nous ont expliqué que 40% des investissements digitaux étaient fictifs via :
- un ciblage fictif
- sur des espaces fictifs
- pour une audience fictive
- et des résultats fictifs.
En cherchant un peu, on trouve d’autres sources qui confirment cette échelle de grandeur, comme par exemple cet article de mon pote dans la com citant la World Federation of Advertisers et Juniper Research qui annonce une fraude à hauteur de 19 milliards de dollars en 2018 (je dois avouer que pour moi ça fait peur !).
Construction d’une éthique : la publicité responsable
Face à ce constat, les professionnels de l’édition publicitaire s’engagent. Parmi les démarches vertueuses qui offrent un cadre éthique au travail en régie publicitaire, voici celles qui ont retenues notre attention.
Mondialement : Coalition for Better Ads
La coalition pour de meilleures publicités a pour but d’enrayer la démocratisation des bloqueurs de publicité. Pour cela elle définit en matière de travail en régie publicitaire, les bonnes pratiques, les bons formats publicitaires qui ne nuisent pas à l’expérience utilisateur (si chère à notre agence UX préférée). Ainsi, la Coalition for Better Ads a mis à profit des connaissances des consommateurs et une expertise intersectorielle pour élaborer et mettre en œuvre de nouvelles normes mondiales : les Better Ad Standards, pour la publicité en ligne qui répondent aux attentes des consommateurs.
En France : Digital Ad Trust
Créé fin 2017, Digital Ad Trust est un label qui va plus loin que les simples formats de publicité en se basant sur 5 critères :
- un encombrement publicitaire acceptable et un accès prioritaire aux contenus ; pour ne pas nuire là encore à l’expérience utilisateur
- Brand Safety, pour garantir un contexte éditorial en adéquation avec les valeurs de la marque de l’annonceur.
- une visibilité mesurable
- des mesures anti-fraude
- et bien sur, le respect des données personnelles.
Selon Sophie et Nicolas, c’est un label essentiel pour le travail en régie publicitaire et surtout pour l’annonceur. Au passage, on notera que ouest-france.fr (dernièrement classé sur le podium de la webperf) est membre du Digital Ad Trust.
Quelques résistances
Nous sommes dans une mouvance de rationalisation éthique de la publicité en ligne. Toutefois, certains résistent au changement comme par exemple Facebook. En effet, la firme de Mark Zuckerberg, a décidé de modifier son code des publicités affichées sur sa plate-forme pour rendre inefficace les bloqueurs de pub. Pour cela, les développeurs de Facebook ont ajoutés 5 div, 9 span et 30 classes CSS à chaque publication dans la Timeline avec bien sur une syntaxe générée aléatoirement ! Et pourtant Facebook fait partie de la Coalition for Better Ads en tant que membre du conseil d’administration… NB : je ne vous parle pas des conséquences que cela a sur la web performance ; c’est de toute façon un sujet enterré par Facebook depuis longtemps…
Une autre approche est celle de Spotify. Dorénavant Spotify interdit purement et simplement l’usage des bloqueurs de pub sur sa plate-forme avec un compte gratuit. La peine encourue est ni plus ni moins que la suppression de son compte !
2019 : Google arrive à la rescousse
En 2018, Google a rejoint la Coalition for Better Ads et a introduit un bloqueur de publicités dans son navigateur Chrome (qui je vous le rappelle correspond à 60% de part de marché). Limité aux Etats-Unis, ce bloqueur bloque les publicités jugées non conformes aux standards définis par la Coalition for Better Ads. Tirant un premier bilan de cette expérience où 2/3 des sites américains non conformes se sont mis “au pas”, Google Chrome s’apprête à déployer son bloqueur de pub à toute l’Europe à partir de juillet 2019 !
NB : pour vérifier leur compatibilité avec les Better Ads Standards, Google fournit déjà un outil : Ad Experience Report. Il y a aussi la possibilité d’activer le bloqueur de Chrome (depuis la version 71) via les outils de développements.
Ne nous méprenons pas ; Google ne fait pas ça que pour l’expérience utilisateur. En effet, c’est de facto des pertes de revenus directes pour Google si les utilisateurs en questions en arrivent à bloquer ses publicités grâce aux moyens dont ils disposent (cf les bloqueurs de publicité cités ci-dessus). De là, à ce que comme pour une prise de Judo, Google retourne les dîtes extensions de blocage publicitaire et les retirent du chrome web store, il n’y a qu’un pas…
Edit du 18/02/2019 : Pour le moment, Google aurait voulu rendre la vie impossible aux adblockers avant de revoir sa position, suite aux tests réalisés par les développeurs de Ghostery. Quand je vous dis que c’est la guerre…
La question qui se pose est de savoir pour le travail en régie publicitaire si l’usage du bloqueur natif de Chrome sera toléré à l’instar des exemples précédents.
Impact sur l’intégration web
Du coup, la rivalité entre les bloqueurs de publicités historiques et ceux natifs ne fait que commencer. Face à cette situation, on vient de voir que les mesures mises en oeuvre peuvent être assez coercitives. Le travail en régie publicitaire en devient plus compliqué. Même si les démarches plus éthiques commencent à se mettre en place, nous entrons dans une zone de turbulence entre les sites qui auront suffisamment d’audience pour s’adapter, et ceux pour lesquels le volume de pub compte plus que leur pertinence.
Reste un point qui nous semble à ce jour encore peu traité : la web performance des publicités. Nécessitant beaucoup de JavaScript et des visuels voire des vidéos tape-à-l’œil, les publicités sont régulièrement responsables de temps de chargement déraisonnables de page web.
Avec nos centres de services, notamment chez Ouest France, nous nous efforçons d’évangéliser les régies publicitaires pour qu’elles prennent conscience de cet impact. Pour cela, nous développons des tableaux de bord qui permettent de représenter la responsabilité de chacun dans le nombre de requêtes et du poids des ressources d’un point de vue métier et non plus technique. Dès lors, nous savons où concentrer nos efforts selon un rapport rentabilité / performance.
Bref il va y avoir du changement en 2019 : l’arrivée du bloqueur natif de Chrome change la donne. La bonne nouvelle, c’est qu’il reste 5 mois pour s’adapter…
Photo par Hasan Almasi via Unsplash